Les États-Unis se préparent pour l'implosion sociale
Mondialisation
01 Aprile 2009
La crise économique et sociale
La débâcle financière a déclenché l’émergence d’une crise sociale latente à travers les États-Unis.
La
confiscation frauduleuse d’épargnes de toute une vie et de fonds de
pension, ainsi que l’appropriation des recettes fiscales pour financer
les « sauvetages bancaires » de billions de dollars sont en jeu, et
servent ultimement à remplir les poches des plus riches des États-Unis.
Cette
crise économique est en grande partie le résultat de manipulation
financière et de fraude délibérée au détriment de populations entières,
ce qui mène à une nouvelle vague de faillites corporatives, de chômage
et de pauvreté généralisés.
La
criminalisation du système financier mondial, caractérisé par un
« réseau bancaire fantôme », a entraîné la centralisation du pouvoir
bancaire et une concentration sans précédent de richesses personnelles.
Le
stimulus économique et la proposition budgétaire du président Obama
favorisent ce processus de concentration et de centralisation du
pouvoir bancaire, dont les effets cumulés provoqueront tôt ou tard des
faillites d’entreprises à grande échelle, une nouvelle vague de
saisies, sans parler de l’effondrement des finances publiques et de la
ruine des programmes sociaux. (Pour plus de détails voir Michel
Chossudovsky, La débâcle fiscale des États-Unis, 2 mars 2009).
Le
déclin progressif de l’activité économique réelle a des répercussions
sur l’emploi et les salaires, ce qui entraîne la dégringolade du
pouvoir d’achat. Pour sa part, la « solution » proposée par
l’administration Obama contribue à exacerber les inégalités et la
concentration de la richesse plutôt qu’à les réduire.
Le mouvement de protestation
Lorsque
les Étasuniens, dont les vies ont été démolies, réaliseront ce qu’est
vraiment le système mondial de « libre marché », la légitimité de Wall
Street, de la Réserve fédérale et du gouvernement des États-Unis seront
contestées.
Un mouvement de contestation latent visant le siège du pouvoir économique et politique se met en branle.
Il
est cependant difficile de prédire comment ce processus va se dérouler.
Tous les secteurs de la société étasunienne sont potentiellement
touchés : les salariés, les petites, moyennes et même les grandes
entreprises, les fermiers, les professionnels, les employés fédéraux,
municipaux ainsi que ceux des États. À ce stade-ci, il n’existe
toutefois pas de mouvement de résistance national organisé dirigé
contre l’agenda économique et financier du gouvernement.
La
rhétorique populiste de Barack Obama dissimule la vraie nature de la
politique macroéconomique. Combiné à des mesures d’austérité, le plan
économique, qui agit au nom de Wall Street et inclut près d’un billion
de dollars d’« aide » pour l’industrie des services financiers,
favorise l’enlisement des États-Unis dans une crise sans fin.
La « solution orwellienne » à la Grande Dépression ? Réprimer les troubles civils.
À
l’heure actuelle, il n’existe aucun programme de relance économique en
vue. Le consensus Washington-Wall Street prévaut et le système
économique et politique ne propose aucune politique ni aucune
alternative.
Quelle est l’issue ? Comment le gouvernement des États-Unis va-t-il affronter une catastrophe sociale imminente ?
La
solution consiste à réprimer l’agitation sociale. La méthode choisie,
héritée de l’administration Bush sortante, comprend le renforcement de
l’appareil de sécurité intérieure (Homeland Security) et la
militarisation des institutions civiles.
L’administration
sortante en a jeté les bases. Diverse législations « antiterroristes »
(dont le Patriot Act) ainsi que des directives présidentielles ont été
mises en place depuis 2001, en invoquant la plupart du temps le
prétexte de la « guerre mondiale au terrorisme ».
Les camps d’internement du Homeland Security
Relativement
à la question des troubles civils, on envisage également un système
cohésif de camps de détention sous la juridiction du Pentagone et du
Homeland Security.
Un
projet de loi intitulée National Emergency Centers Establishment Act
(HR 645) (Acte de constitution de centres nationaux de secours
d’urgence) a été présenté au Congrès en janvier. Celui-ci
exige la mise en place de six centres d’urgence nationale dans des
installations militaires existantes dans des régions importantes du
pays.
Le
but officiel des « centres d’urgence nationale » est de fournir « de
l’assistance médicale et humanitaire ainsi qu’un hébergement temporaire
aux individus et aux familles délocalisés en raison d’une urgence ou
d’un désastre important ». HR 645 stipule que les camps peuvent être
utilisés pour « satisfaire d’autres besoins appropriés, selon ce qu’en
juge le secrétaire du Homeland Security ».
Il n’y a pratiquement pas eu de couverture médiatique du HR 645.
Ces
« installations civiles » sur des bases militaires étasuniennes
seraient établies en coopération avec l’Armée étatsunienne. Nous
assistons en fait à la militarisation des installations d’internement
de FEMA, ayant Guantanamo comme modèle.
En
vertu de l’urgence nationale, toute personne arrêtée et internée dans
un camp FEMA situé sur une base militaire serait, selon toute
probabilité, de facto sous juridiction militaire : la justice civile et
la loi, y compris l’habeas corpus, ne s’appliqueraient plus.
HR
645 est directement lié à la crise économique et à d’éventuelles
manifestations d’envergure à travers le pays. Ce projet de loi
constitue un pas de plus vers la militarisation du maintien de l’ordre
et l’abrogation du Posse Comitatus Act.
Selon les termes du député Ron Paul :
« […]
les centres de fusion, la militarisation policière, les caméras de
surveillance et le commandement militaire national ne suffisent pas
[…]. Même si nous savons que les installations de détention sont déjà
en place, ils veulent maintenant légaliser la construction
de camps FEMA sur des bases militaires en invoquant l’éternelle excuse
populaire voulant que ces installations puissent servir en cas
d’urgence nationale. La fausse économie fondée sur la dette se
détériorant jour après jour, l’éventualité de troubles civils menace de
plus en plus l’establishment. L’on a qu’à penser à l’Islande, à la
Grèce et à d’autres pays pour savoir ce qui pourrait se produire aux
États-Unis. (Daily Paul, septembre 2008, souligné par l’auteur)
Les
camps d’internement proposés devraient être vus comme étant liés au
processus élargi de militarisation des institutions civiles. La
construction de ces camps a précédé la présentation de HR 645
(Constitution de centres de secours d’urgence) en janvier 2009. Selon
divers reportages (non confirmés), il existe quelque 800 camps de
prisonniers FEMA dans différentes régions des États-Unis. De plus,
depuis les années 1980, l’Armée étasunienne a développé des
« tactiques, des techniques et des procédures » pour réprimer la
dissidence civile, lesquels seraient utilisés advenant des
protestations massives (le manuel de campagne de l’Armée étasunienne
19-15 sous Operation Garden Plot, intitulé « Civil Disturbances » ou « Troubles publics », a été émis en 1985)
Au début de 2006, des recettes fiscales étaient allouées à la construction de camps d’internement
modernes. En janvier 2006, Kellogg Brown and Roots, une filiale de
Halliburton à l’époque, a décroché un contrat de 385 millions de
dollars du Département de l’immigration et des douanes (ICE) du
Homeland Security :
« Le
contrat, effectif immédiatement [janvier 2006], prévoit l’établissement
d’installations de détention et de traitement temporaires afin
d’augmenter le nombre d’installations servant aux opérations de mise
sous garde et de renvoi de l’ICE (Detention and Removal Operations
(DRO)), advenant l’arrivée massive d’immigrants aux
États-Unis en cas d’urgence ou de soutenir le développement rapide de
nouveaux programmes.
Le
contrat prévoit également le soutien à la détention d’immigrants dédié
à d’autres organisations gouvernementales en cas d’immigration
d’urgence, ainsi que la conception d’un plan en réponse à une urgence
nationale, comme un désastre naturel. (KBR, 24 janvier 2006 souligné par l’auteur) »
Les objectifs officiels de l’Immigration et de la douane des États-Unis (U.S. Immigration and Customs Enforcement (ICE)) sont :
« […]
protéger la sécurité nationale et maintenir la sécurité publique en
ciblant des réseaux criminels et des organisations terroristes
cherchant à exploiter les faiblesses de notre système d’immigration, de
nos réseaux financiers, de nos frontières, de nos installations
gouvernementales et autres afin de nuire aux États-Unis. Les États-Unis
seront alors davantage en sécurité. (Page d’accueil de l’ICE)
Les
médias étasuniens restent muets sur le sujet des camps d’internement en
sol américain. Alors qu’ils reconnaissent simplement le contrat de
plusieurs millions de dollars à la filiale de Halliburton, les
reportages se sont concentrés sur le possible « dépassement des coûts »
(semblables à ceux de KBR en Iraq ).
Quels
sont l’intention politique et le but de ces camps? L’utilisation
potentielle de ces camps d’internement pour la détention de citoyens
étasuniens advenant la déclaration de la loi martiale ne font pas
l’objet de débat ou de discussion dans les médias.
Des unités de combat assignées au pays.
Durant
les derniers mois de l’administration Bush, avant les élections
présidentielles de novembre 2008, le Département de la Défense a
ordonné le rappel de l’Irak de la 3rd Infantry’s 1st Brigade Combat
Team (BCT). La relocalisation d’une unité de combat d’un théâtre de
guerre à l’ensemble du pays fait partie intégrante de l’agenda du
Homeland Security. Le BCT a été assigné au soutien des activités de
maintien de l’ordre aux États-Unis.
L’unité
de combat BCT était attachée au US Army North, la composante de l’Armée
du US Northern Command (USNORTHCOM). La 1st BCT et d’autres unités de
combat pourraient être appelées à exercer des fonctions militaires
spécifiques en cas de troubles civils.
Les
soldats de la 1st BCT apprendront à utiliser « les premières mesures
inoffensives développées par l’Armée », affirmait le commandant de la
1st BTC, le colonel Roger Cloutier, en faisant référence à l’équipement
de contrôle des foules et de la circulation et aux armes inoffensives
conçues pour maîtriser des individus désobéissants ou dangereux sans
les tuer. (Voir Gina Cavallaro, Brigade homeland tours start Oct. 1, Army Times, 8 septembre 2008).
On
peut s’attendre à ce que d’autres unités de combat soient rapatriées du
théâtre de guerre et réassignées aux États-Unis en vertu du retrait des
forces étasuniennes d’Irak proposé par l’administration Obama.
L’évolution du scénario de la sécurité nationale se caractérise par le croisement des instituions civiles et militaires.
-
des unités de combat de l’Armée travaillant de concert avec les
autorités chargées de l’application de loi et ayant pour mission de
réprimer « les troubles civils ».
-
la constitution de nouveaux camps d’internement sous juridiction civile
situés dans des installations militaires étasuniennes.
Les
camps d’internement FEMA font partie du plan Continuity of Government
(Continuité du gouvernement, COG), lequel serait mis en place si l’on
déclarait la loi martiale.
Ces
camps sont conçus pour « protéger le gouvernement » contre les
citoyens, en enfermant les manifestants ainsi que les activistes qui
pourraient contester la légitimité de l’agenda économique, militaire ou
de sécurité nationale du gouvernement.
Espionner les Étasuniens : la banque de données de Big Brother
Relativement
à la question de l’internement et de protestations massives, on peut se
demander comment se fera la collecte d’informations sur les citoyens
étasuniens.
Comment les individus à travers les États-Unis seront-ils catégorisés ?
Quels sont les critères du Departement of Homeland Security ?
Dans un rapport de 2004 du Homeland Security Council initulé Planning Scenarios, pertaining to the defense of the Homeland
(Planification de scénarios relatifs à la défense du pays), on
identifiait les catégories suivantes de « conspirateurs » potentiels :
« les terroristes [islamiques] étrangers »;
« les groupes nationaux radicaux » [groupes antiguerres et des droits de la personne];
« les adversaires soutenus par des États » [« les États voyous » et les « pays instables »];
« les individus mécontents » [les travailleurs activistes et les syndicats].
En
juin l’an dernier, l’administration Bush a émis une Directive
présidentielle de Sécurité nationale (NSPD 59- HSPD 24) intitulée Biometrics for Identification and Screening to Enhance National Security (La biométrie pour l’identification et la surveillance afin d’améliorer la Sécurité nationale). (Pour plus de détails voir Michel Chossudovsky, "Big Brother" Presidential Directive: "Biometrics for Identification and Screening to Enhance National Security", Mondialisation.ca, juin 2008)
Les
procédures correspondant à cette directive, adoptée sans débat public
ni l’approbation du Congrès, ont une portée considérable. Elles sont
liées à la question des troubles civils et font également partie de la
logique derrière l’établissement des camps d’internement FEMA sous HR
645.
NSPD
59 (Biometrics for Identification and Screening to Enhance National
Security) va bien au-delà de la question précise de l’identification
biométrique. Elle recommande la collecte et le stockage d’informations
« liées à la biométrie », c’est-à-dire, d’informations sur la vie
privée des citoyens étasuniens, dans les détails, le tout étant
effectué « selon la loi ».
« Les
données contextuelles complétant les données biométriques incluent des
informations sur le lieu et la date de naissance, la citoyenneté,
l’adresse actuelle et les précédentes, l’emploi actuel et les
antécédents de travail, le numéro de téléphone actuel et les
précédents, l’utilisation des services gouvernementaux et les rapports
d’impôts. D’autres données contextuelles peuvent comprendre les
historiques bancaires et de cartes de crédit, et les casiers
judiciaires aux niveaux local, fédéral et des États, ainsi que des
décisions judiciaires et autres dossiers publics faisant état de
conflits juridiques, des dossiers relatifs à la garde d’enfant, au
mariage ou au divorce. » (Voir Jerome Corsi, juin 2008)
Cette
directive utilise le 11 septembre et la « guerre mondiale au
terrorisme » comme justification totale pour mener une chasse aux
sorcières contre les citoyens dissidents, créant simultanément un
climat de peur et d’intimidation à travers le pays.
Elle
réclame également l’intégration de diverses banques de données, ainsi
qu’une coopération entre les agences concernant le partage
d’informations, dans le but de centraliser tôt ou tard les informations
sur les citoyens étasuniens.
En
des termes prudents, NSDP 59 « établit un cadre » afin de permettre au
gouvernement fédéral et ses différents services de police et de
renseignement ce qui suit :
« l’utilisation
de méthodes et de procédures mutuelles compatibles dans la collecte, le
stockage, l’utilisation, l’analyse et le partage d’informations
biométriques et d’informations biographiques et contextuelles
correspondantes de manière appropriée et légales, en respectant la
confidentialité des renseignements des individus et leurs garanties
juridiques selon la loi des États-Unis »
La
directive NSPD 59 recommande « des actions et un calendrier afférent
dans le but d’améliorer le processus actuel d’identification et de
surveillance axé sur les terroristes en élargissant l’utilisation de la
biométrie ».
Les
procédures incluses dans la NSDP 59 correspondent à une décision prise
en juin 2005, laquelle consistait à créer un « service d’espionnage
national », sous les auspices du FBI. (Pour plus de détails voir Michel
Chossudovsky, Bush Administration creates "Secret State Police, 30 juin 2005)
En
travaillant main dans la main avec le Homeland Security (DHS), le
projet de « Département de renseignement national » combinerait le
contre-terrorisme et les opérations d’espionnage et de renseignement du
FBI dans un seul service.
Sous
les auspices du FBI, le nouveau département aurait l’autorité de
« saisir les biens de personnes suspectées d’aider à la prolifération
des armes de destruction massives ». Il pourrait « espionner aux
États-Unis les terroristes présumés ou les personnes possédant des
renseignements cruciaux, même si l’on ne soupçonne pas qu’elles
pourraient commettre un crime ». (NBC Tonight, 29 juin 2005).
par Michel Chossudovsky
Source > Modialisation | Mar 30